Repousser les limites : la GRAAALPS vue de l’intérieur avec Guillaume Poinsot

Repousser les limites : la GRAAALPS vue de l’intérieur avec Guillaume Poinsot

De la découverte de l’ultra-distance à une victoire marquante sur la GRAAALPS, Guillaume Poinsot trace une trajectoire fulgurante dans le monde du gravel longue distance. Avec une approche méthodique, un mental d’acier et une soif constante de dépassement, il revient sur les moments forts de cette traversée engagée, sa stratégie d’effort et de nutrition, les doutes traversés, et l’envie toujours plus grande d’aller chercher plus loin, plus haut.

Une envie de repousser ses limites

J’ai découvert l’ultra-distance à vélo l’an dernier, en commençant par deux courses Gravel de 350 km. Ces premières expériences ont été une révélation. J’ai eu envie d’aller plus loin, de repousser mes limites, et de vraiment performer dans cette discipline. J’ai donc débuté ma saison sur The Traka (560 km), que je termine à la 5ᵉ place. Ce résultat m’a donné confiance : je savais que j’avais les moyens de rouler aux avant-postes sur une épreuve comme la GRAAALPS, même si c’était ma première course de plusieurs jours.
L’envie de me dépasser, de tester jusqu’où mon corps et mon mental peuvent aller, me pousse naturellement à augmenter la distance et la difficulté. C’est dans cette logique que je participerai à l’Atlas Mountain Race en février 2026 : une course en VTT de 1 350 km et 25 000 m de dénivelé à travers l'Atlas Marocain.

Des paysages magiques, et des moments de doute

Ce que j’adore sur une course de plusieurs jours, c’est l’intensité émotionnelle. On passe par tous les états, même quand on est en tête. Il y a eu des instants presque magiques : des paysages à couper le souffle, des cols incroyables, le silence total à plus de 2 000 mètres d’altitude, des rencontres sauvages comme des cerfs en pleine nuit… À ces moments-là, tu ressens un mélange de puissance, de gratitude et de liberté totale. C’est pour ça que je fais ça.
Et puis il y a l’envers du décor. J’ai eu un vrai coup dur autour du km 300, quand mes genoux ont commencé à me faire très mal. J’ai dû lever le pied, me battre pour garder le rythme sans aggraver la douleur, c’est frustrant quand ton corps te rappelle à l’ordre alors que ton mental est à bloc.
Le deuxième moment marquant, c’était l’ascension d’un col interminable, à environ 120 km de l’arrivée. Pente raide, piste technique, chaleur écrasante, et le corps déjà bien entamé. Là, tu es seul avec toi-même. Tu creuses, tu t’accroches, et tu avances. C’est rude… mais c’est aussi dans ces moments-là que tu découvres qui tu es vraiment.

Une stratégie millimétrée pour rester lucide

J’ai toujours eu cette capacité à trouver le bon rythme selon la distance, ce qui m’a permis de rester constant et de ne jamais vraiment subir de grosse baisse d’énergie pendant les trois jours. Mais ça ne se fait pas au hasard : j’avais une vraie stratégie, aussi bien pour l’effort que pour la nutrition.
J’avais découpé la course en trois grandes phases :

  • Les premières 24h, jusqu’au camp de base à Turin : je suis resté sur une alimentation « semi-liquide » pour ménager ma digestion tout en maintenant une intensité soutenue. Beaucoup de gels (classiques et caféinés), et toutes les 5h, une barre protéinée de chez COOKNRUN pour assurer l’apport en protéines, même dans l’effort.

  • Les 24h suivantes, je suis passé à quelque chose de plus solide, avec mes barres énergétiques préférées (mention spéciale à celle beurre de cacahuète/chocolat) tout en continuant les gels. J’ai aussi intégré des purées salées, histoire de casser un peu la monotonie du sucré et d’éviter l’écœurement. Et toujours des apports protéiques réguliers.

  • Les dernières 24h ont été les plus délicates niveau nutrition. À ce stade, le corps commence à saturer. J’avais plus de mal à manger sur le vélo, j’ai lâché les gels et me suis recentré sur les barres énergétiques… et quelques glaces dans les petits bistrots en chemin, parfois, le mental a besoin de plaisir simple.

Au final, ce qui m’a permis de rester lucide et performant, c’est l’équilibre entre trois éléments : une alimentation bien pensée, du sommeil en quantité suffisante (6 petites heures tout de même), et une gestion de l’effort très progressive. J’ai vraiment essayé de lisser mon énergie sur toute la durée, sans jamais me cramer.

Une victoire qui change tout

Cette victoire représente un vrai tournant. Elle fait énormément de bien au mental, parce qu’elle vient récompenser des mois (voir des années) d’engagement, de travail et de sacrifices souvent invisibles.
Derrière cette performance, il y a les longues sorties hivernales dans le froid, les séances où tu te lèves fatigué mais tu t’entraînes quand même, les week-ends mis de côté, les moments où tu dois dire non à des choses simples pour rester concentré sur ton objectif. Et il y a aussi les périodes de doute, les blessures, ou des phases de méforme où tu te demandes si ça va revenir à temps.
Alors oui, franchir la ligne en tête sur une course aussi exigeante, c’est un boost énorme. Dans la tête, ça solidifie les fondations. Ça montre que tous les efforts paient, que je suis capable d’aller chercher la gagne sur des formats très longs, et que je suis à ma place à ce niveau.
Ça renforce aussi mon envie de continuer à progresser, à structurer mon projet sportif et à viser encore plus haut. Cette victoire me donne de la confiance, mais surtout de l’envie : l’envie de repousser encore les limites, avec la certitude que le chemin que je prends est le bon.

Se dépasser, autrement que physiquement

Sur une course de trois jours, tu sais que tu vas traverser des hauts et des bas, c’est presque inévitable. Mais même en étant préparé, certains moments te bousculent plus que prévu.
Comme je le disais, le premier vrai moment de doute est arrivé autour du km 300, quand j'ai commencé à ressentir des douleurs très intenses au genou. Au point où, pendant un moment, j’ai vraiment envisagé l’abandon. J’ai roulé presque six heures avec cette douleur, en me demandant si je ne risquais pas de me blesser plus sérieusement, si ça valait la peine de continuer, si je n’étais pas en train de tout gâcher. C’était un combat intérieur permanent, entre lucidité, orgueil. Et puis, petit à petit, la douleur s’est estompée. Je me suis remis dans le rythme. Mais ces heures-là ont été un vrai test mental.
Le deuxième moment critique est survenu dans la toute dernière grosse ascension, à environ 120 km de l’arrivée. Un col interminable, raide, cassant, sur une piste où il fallait constamment se battre pour garder du grip. Il faisait chaud, mon corps était rincé, et je sentais que je touchais mes limites mentales. Mais c’est justement là que quelque chose d’autre prend le relais. Tu t’accroches à une idée, une raison, un objectif, et tu continues. À l’arrivée en haut du col, j’étais vidé, mais aussi complètement rempli d’une énergie nouvelle : la fierté d’avoir tenu, d’être allé au bout de moi-même.

Une leçon de vie à transmettre

Ce que je retiens de cette victoire, au-delà du classement, c’est que rien n’est jamais figé. Il y a un an, je découvrais l’ultra-distance. Depuis, j’ai traversé des courses, des blessures, des doutes, des jours sans… mais j’ai toujours gardé une idée en tête : continuer à avancer, à apprendre, et à me construire dans cette discipline.
Cette aventure m’a appris que le corps est capable de beaucoup, mais que c’est le mental qui fait toute la différence. Tenir quand tout dit de s’arrêter. Croire en soi même quand ça va mal. Trouver du plaisir dans l’inconfort, et du sens dans l’effort. C’est ça que j’ai ressenti sur la GRAAALPS.

Et c’est ce que j’aimerais partager : Peu importe ton niveau ou ton passé, si tu as une envie profonde et que tu acceptes le chemin (avec ses hauts, ses bas, ses sacrifices), alors tu iras plus loin que ce que tu imaginais.

J’espère que ce genre d’aventure donnera envie à d’autres de sortir de leur zone de confort, de se fixer des objectifs ambitieux, et de découvrir à quel point l’ultra peut être une école de vie. Moi, en tout cas, je n’ai jamais eu autant envie d’aller plus loin.

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